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Mots pour maux

"Elle bouquinait dans sa piaule la Critique de la Raison Pure, elle trouvait ça presque aussi drôle que Ben-Hur"

Fatiguée

Fatigué de haïr et fatigué d'aimer
Surtout ne plus rien dire, ne plus jamais crier
Fatigué des discours, des paroles sacrées

Fatigué, fatigué
Fatigué de sourire, fatigué de pleurer
Fatigué de chercher quelques traces d'amour
Dans l'océan de boue où sombre la pensée

Et alors ? Qu’est-ce que vous croyez ?
Que vous êtes les seuls à avoir peur ?
Que vous êtes les seuls à avoir des doutes ?
Que vous êtes les seuls à faire des cauchemars ?
A stresser pour votre boulot, vos parents, votre frigo ?
A vous demander si vous pourrez partir en vacances cet été ?
A vous demander si ça va pas bientôt finir ces conneries de merde ?

Moi aussi j’ai peur.
Moi aussi je doute.
Moi aussi je suis fatiguée.
Moi aussi j’en ai marre.
Moi aussi je voudrais pouvoir me projeter.

Sans avenir, sans futur, sans projet, sans espoir, à quoi bon vivre ?

Mes amis me manquent.
Mes loisirs me manquent.
Tout ce qui me faisait vibrer me manque :
Les concerts, le théâtre, les fêtes, les bars, les pique-niques…
Sortir, danser, chanter, trinquer, rire…
Sourire !
S’embrasser, s’enlacer, se tenir bras-dessus, bras-dessous,
Piquer une frite dans l’assiette d’un voisin de table,
Goûter le vin dans le verre d’une amie,
Tenir la porte à celui qui vous suit sans crainte,
Moucher le nez d’un enfant sans arrière-pensée…

Nous faisons face à un ennemi invisible.
Il n’y a pas de coupable, pas de responsable !
Si ce n’est Darwin et sa fichue évolution,
Les hommes qui inventèrent l’avion
et développèrent la mondialisation.

Pas de coupable ? pas de responsable ?
Mais c’est insupportable !
Alors ? Sur qui faire rejaillir nos peurs, nos doutes
Et l’inacceptable fait que notre temps soit suspendu ?
Que nos libertés soient entravées,
Que nos visages soient masqués,
et notre futur proche incertain !

Alors ? Alors !
Alors, face à tant de doutes, de peurs, d’incertitudes,
On pense, on parle, on accuse, on cherche une cause,
On pointe du doigt des fautifs.
Les chaines d’info continue et les réseaux sociaux s’en donnent à cœur joie !
Ce sont bien les seuls à être joyeux d’ailleurs…

Tu parles ! Ils font leur beurre sur les angoisses des gens.
Et plus ils brassent d’air, plus la fake news est énorme, plus ça marche !

Et moi au milieu de tout cela ? Je me sens impuissante…
La plupart du temps, je détourne le regard, j’évite d’aborder les sujets…
De temps à autre, je coupe court à une conversation en rappelant à quel point mon Printemps fut douloureux :
Fièvre, perte du goût, de l’odorat, douleurs thoraciques, estomac détraqué, et surtout… surtout…
Une angoisse infinie : que m’arrive-t-il ? vais-je devoir être hospitalisée ? vais-je mourir ?

9 mois plus tard, je suis toujours là, vivante !
J’en ai bavé ! j’ai eu si peur…

Et j’ai toujours peur…
« Stress post-traumatique » qu’ils disent…

Pourtant, je ne cherche pas à savoir qui sont les coupables !
Qui est celui ou celle qui me l’a transmis ? Je m’en fous !
Si ça se trouve c’est un de mes enfants ! T’imagines ? V’là l’coupable idéal !
Un élève ? un collègue ? un ami ? Je m’en fous !

Et le patient zéro ? Et si c’était les chinois ? l’institut Pasteur ?
L’ACP, tu connais ?
L’Armée Cachée des Pangolins, bien décidés à éradiquer les Humains de la planète
En commençant par… les pauvres !!!!

Patrick Devéjdian ? pauvre…
Manu Dibango ? pauvre…
Kenzo ? pauvre…
Christophe ? pauvre !
Valérie Giscard d’Estaing ? pauvre !
Bill Whithers ? pauvre !
Pape Diouf ? pauvre !
Merde… Liliane Marchais !!
Même Liliane a fait ses valises !
Ah oui, mais elle c’était la femme d’un communiste, donc on peut presque penser qu’elle était pauvre…

Des vieux, des jeunes, des hommes, des femmes, des blancs, des noirs…

Personne n’est épargné !

Et ça fait peur !

Putain ! qu’est-ce que ça fait peur !

Et pas qu’à vous ! à moi aussi ça fait peur !

Alors même si j’ai peur et que ça me prive -temporairement – d’une partie de mes libertés et de ce qui faisait de ma vie une fête, je me plie aux règles !
Comme je m’arrête au feu rouge pour laisser passer un piéton, ou une voiture qui croiserait ma route,
Comme je respecte les lois qui font que la vie en société est possible, tolérable.

Et j’essaie de garder le sourire derrière mon masque,
De rire aussi dès que je le peux…

Mais parfois, déso… je craque !
Je m’énerve et je ne cherche même plus à dialoguer !
Parce que moi aussi je suis fatiguée de cette situation de merde !
Parce que j’en ai marre d’essayer de faire preuve de patience, de pédagogie,
Parce que les conneries qui sont relayées toute la sainte journée sur le net, parfois sous le prétexte du droit à la liberté d’expression, au second degré et à la caricature – non mais on rêve ! - ça nE ME FAIT PLUS RIRE !!

Déso… encore une fois… fallait que ça sorte !

Et maintenant que c’est sorti ? Qu’est-ce qu’on fait ?
Rien… rien de plus qu’avant… On attend.
On attend que toute cette merde soit derrière nous et qu’on passe à autre chose.

Perso, j’y crois pas trop au monde d’après.
Les hommes et les femmes de cette planète ne sont pas prêts.
Nos enfants, peut-être…

J’veux juste retrouver la Culture, la vie sociale, les voyages, les contacts physiques et chaleureux.
J’veux juste ne plus avoir peur…

Je vais continuer de dialoguer, d’argumenter ou d’esquiver …
Et p’têtre aussi que je vais juste respirer et me taire…

« Fatigué de haïr et fatigué d'aimer
Surtout ne plus rien dire, ne plus jamais crier
Fatigué des discours, des paroles sacrées

Fatigué, fatigué
Fatigué de sourire, fatigué de pleurer
Fatigué de chercher quelques traces d'amour
Dans l'océan de boue où sombre la pensée »
(Renaud, 1985)

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