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Mots pour maux

"Elle bouquinait dans sa piaule la Critique de la Raison Pure, elle trouvait ça presque aussi drôle que Ben-Hur"

Le poids des héros par David Sala (Casterman 2022)

Le poids des héros par David Sala (Casterman 2022)

*** à mes grands-parents ***

Avez-vous déjà ressenti cette impression de reconnaitre votre propre histoire alors que vous refermez un livre ? C’est exactement ce qui m’est arrivé après avoir lu l’extraordinaire Poids des héros de David Sala.

Attirée dans un premier temps par cette couverture flashy et onirique en parfait contraste avec ce regard d’enfant triste et le petit portrait d’homme à sa verticale, j’ai plongé dans cette chronique familiale avec un fort sentiment de « déjà-vu ».

La famille de Sala est installée en France depuis la fin de la 2nde Guerre mondiale. L’enfance de David, né en 1973, ressemble fort à la mienne : Brassens, Renaud, Goldorak, les papiers peints improbables, les lunettes rouge et bleu pour regarder les premiers films en 3D…

Ses grands-pères ont tous les deux fuient l’Espagne franquiste pour se jeter dans la gueule d’un autre loup tout aussi dangereux : le nazisme. Ils auront tous les deux des trajectoires différentes et sortiront « vivants » de l’Enfer.

C’est à la page 106 que mon histoire familiale recoupe celle de David Sala : planqué dans un sous-bois avec d’autres clandestins espagnols, le grand-père paternel de David est pris au piège par des soldats SS. Alors qu’ils sont alignés pour être exécutés, un instinct de survie et une force physique herculéenne permettent à Josep de s’échapper. Mon grand-oncle Gregorio Gil était peut-être l’un des compagnons d’infortune de Josep et n’a pas eu le même destin. Cette branche de mon histoire familiale s’est arrêtée de cette façon : après avoir fui l’Espagne et Franco, mon grand-oncle aurait rejoint la résistance française et aurait été exécuté par les Allemands. Ma grand-mère Rosario Gil-Morales reçut une lettre lui annonçant son décès.

Par des jeux de couleurs, de mises en scène, de contrastes, David Sala nous entraine dans son histoire : de son enfance parfois douce et tendre, notamment dans ses relations pleine d’amour avec ses frères et ses grands-parents, parfois violente et lourde, quand il perd un camarade de classe de façon tragique ou se retrouve confronter au passé de sa famille. Nous suivons son parcours d’étudiant, de jeune dessinateur, de père… On sent peser sur lui ce fameux « poids des héros ». Il y a dans certaines des ses illustrations toute l’horreur d’un Goya, toute la violence d’un Akira ou tout l’onirisme d’un Klimt.

Et peu à peu, comme une catharsis, sans doute aidée par l’arrivée des enfants qui sont signe de renouveau et d’espoir, le poids se fait plume, les contrastes s’amenuisent, le découpage et la mise en scène retrouvent un semblant de normalité et la vie devient plus paisible : il est temps d’aller au parc, pour manger une glace… au chocolat.

Cet ouvrage est selon moi un des plus forts de l’année 2022 et je pense qu’il n’a pas fini de faire parler de lui. On parie ? (À suivre)…

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