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Mots pour maux

"Elle bouquinait dans sa piaule la Critique de la Raison Pure, elle trouvait ça presque aussi drôle que Ben-Hur"

Les yeux de la parole, documentaire

photogramme

photogramme

Je n'ai jamais trop compris pourquoi la poésie et la littérature arabes pouvaient à ce point me toucher. Pourtant je n'en comprends pas la langue.  Mais une fois traduits, les mots me parlent, chantent à mes oreilles et résonnent dans mon cœur. Ainsi, Tahar ben Jelloun, Amin Maalouf, Khalil Gibran...

La découverte du jour je la dois à une amie qui m'a encouragée à aller voir le documentaire "Les yeux de la parole" (merci facebook !). J'ai donc emmené mon adolescente à Saint Michel, au cinéma Saint André des Arts : cela faisait bien un siècle que je n'avais pas mis les pieds dans ce cinéma d'Arts et d'Essai. Je suis heureuse qu'il existe encore et résiste aux multiplexes qui nous bombardent du blockbuster à tout va. Mais là n'est pas mon propos.

Affiche du documentaire

"Les yeux de la parole" c'est le projet de deux cinéastes qui ont entendu parler d'un opéra en arabe qui se monte pour le festival d'Aix en Provence en 2016. Ils décident de se rendre sur place pour filmer la mise en place de cet opéra.

C'est donc le projet de ces artistes, compositeur, chanteurs, musiciens, metteur en scène, d'origines diverses qui choisissent de donner la vie aux mots (et aux maux ?) d'un poète syrien, réfugié en Allemagne : Fady Jomar 

Photogramme du film

C'est le projet de ces enseignants qui vont ouvrir leurs élèves de SEGPA à un monde de fables, de littérature, de musique et de poésie tout en restant en contact avec le monde réel et actuel : l'histoire, la géographie, l'actualité sanglante d'une région du monde qui souffre...

Photogramme du film-atelier de calligraphie

C'est un recueil de fables, Kalila Aw Dimna, qui a traversé les continents et les siècles : parties d'Inde ces histoires d'animaux issues de la tradition orale ont voyagé jusqu'aux jardins de Louis XIV où Jean De la Fontaine a su y reconnaître son double cynique et farceur, toujours prêt à se rire des plus grands et à dénoncer la souffrance du peuple.

"Mektoub", c'est écrit. Les yeux de la Parole, c'est l'essence des mots, ce qu'il y a de plus important et qui reste.

Si vous volez l'essence des paroles
Les chansons continueront à nourrir nos veillées.
Si vous tuez un poète,
Il renaîtra en mille chansons.

Ce sont les mots de Fady Jomar.

Et je vous livre ici les mots qui viennent clore le documentaire :
Les frontières, murs de vent
Pays devenus des oubliettes
Et nous, prisonniers de l’errance
Avec pour oreiller, la douleur de la patrie
Et pour toute couverture, des rêves froids
Dont le geôlier s’est perdu.

Les frontières, ô sang de ceux qui restent
Poignard dans le dos de celui qui part
Sur la blessure, la gangrène du regret
Enterrant les yeux des exilés
Seules la boue et la cendre

Les frontières, plus infranchissables que les portes du ciel
Ne s’ouvrent pas même à la figure de l’opprimé
Ni même à sa voix, par peur de l’écho
S’il s’égare, il en sera blâmé
S’il rentre, il périra étouffé

Les frontières, ton nom, ton passeport
La couleur de ton sang, de ton inculpation
Ta honte devant les passants
Le blâme de ton origine
Griffonné sur un papier
Attachant des chaînes à tes poignets

Les frontières, soldats aux visages pâles
Agacés par le rire d’un enfant
Capables de te reconduire à ta propre mort
Dérangés par les retrouvailles
Ou par l’éclosion des roses

Si seulement j’étais un crève-cœur
Car de nos jours, seule l’oppression est sans frontières

J'ai retenu deux mots :

الاسد

"Assad", le lion 

حرية

"Huriya", la Liberté.

Quand le premier dévore la seconde...

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